L'art numérique est un champ de l'art contemporain qui fait ses débuts dans les années 1950 avec des artistes comme Bel Laposky qui est le premier artiste d'une longue série qui s'intéresse à la technologie numérique comme médium ou outil de création. Dans les années 1960, le champ artistique de l'art numérique est officialisé, et on parle alors de Computer Art, un art qui se sert d'ordinateur pour la création et la monstration de leurs travaux. Ce courant ou champ artistique se voit octroyer un certain nombre d'expositions dès 1965 à travers le monde et explose durant la décennie 1980. Dix ans plus tard, ce champ s'empare d'une technologie qui tend déjà à se rendre indispensable : internet. C'est ce que l'on appelle le Net Art. Depuis 2017, c'est la technologie de la blockchain qui vient encore élargir le champ de l'art numérique. Que ce soit comme médium ou comme certificat d'authenticité, les NFTs apparaissent aujourd'hui comme une possible évolution de la discipline et de la conservation du numérique.
Les femmes, bien que présentes, ont longtemps été mise de côté par l'histoire de l'art, notamment dans le champ du numérique, un domaine bien majoritairement masculin encore aujourd'hui. Pour une grande partie de ces femmes artistes, mais aussi de nombreuses minorités, actives dans le numérique, leur inscription dans la blockchain est primordiale pour parer à l'oubli qu'elles ont subis auparavant.
Créer ou acheter de l'art numérique ne sont donc pas nouveaux et les façons de créer et de conserver ces œuvres ont évolué en même temps que les technologies se développaient, ce qui implique d'énormes changements depuis les années 1960. Mais alors comment aujourd'hui, avec les technologies actuelles, parvenons nous à conserver l'art numérique ?
La conservation de l'art numérique est un véritable défi technologique sur plusieurs points. Comment conserver ce qui est aujourd'hui vieillissant et dont la production est interrompue, comment prévoir une méthodologie ou technologie de conservation pérenne dans le temps, ou bien comment parer à la destruction ou à la corruption du matériel ou du fichier ? Il est alors logique de se demander si la blockchain pourrait être un moyen d'améliorer durablement et de rendre plus stable la conservation des œuvres numériques. Dans ces enjeux de conservation, il est aussi important de s'interroger à propos de l'importance de l'inscription des femmes dans les arts numériques et l'aspect primordiale de cette démarche.
La Conservation de l'Art Numérique : Un Défi Technologique
Depuis le début de l'intérêt des institutions et des collectionneurs pour l'acquisition d'art numérique, les outils et les méthodes de conservation et de commercialisation ont énormément évoluées. Du début du XXe siècle à nos jours, les technologies de stockage de données ont évolué de manière exponentielle passant de cartes perforées aux disques SSD (solid state drive). Les méthodes ont donc évolué en conséquence de ces progrès technologiques. Aujourd'hui, la plupart des institutions et collectionneurs vont acheter directement le fichier sur un disque dur HDD ou SDD.
Mais si aujourd'hui nous utilisons en écrasante majorité le disque dur HDD ou SDD, ça n'a pas toujours été le cas et certaines œuvres ont pu succomber à l'obsolescence de son support. Tout comme des œuvres d'art physique créées à partir de matériaux appartenant à une temporalité antérieure (ampoules allogènes, peintures au plomb, etc.), les œuvres numériques souffrent des mêmes maux. Il existe aujourd'hui des œuvres codées dans des langages obsolète ou en cours d'obsolescence, et des œuvres archivées sur des supports que nos ordinateurs ne peuvent plus lire nativement comme un CD-Room, une cassette, une disquette ou une carte perforée. Il en est de même concernant les formats des fichiers numériques qui souffrent de deux causes spécifiques d'obsolescence. La première est induite par l'évolution du support de création qui avec son évolution créer une nouvelle norme et donc repousse la précédente. La seconde est due à la création par le moyen de logiciel prioritaire tel qu'Adobe ou Photoshop qui, si ces entreprises viennent à disparaître sans laisser leur base de données en open source, effaceront tout moyen de lire les fichiers résultant de ces logiciels.
En plus de l'obsolescence de ces outils, on voit aussi des problématiques liées à la fragilité et au fonctionnement. Que ce soit le disque dur HDD ou le SSD, ces appareils sont fragiles et très sensibles aux coups, à la chaleur, à l'humidité, etc. Le choix entre ces deux types de disques se place notamment sur la façon dont le disque utilise sa mémoire et le budget que l'on peut y allouer. Un disque SSD est plus rapide et possède un plus grand nombre d'opérations lecture/écriture, mais est bien plus coûteux, contrairement à un disque dur HDD qui est certes un peu plus lent, mais bien moins coûteux, une solution privilégiée pour le stockage de gros volumes rarement consultés.
Conserver un fichier numérique n'est donc pas si simple. En plus des disques durs (HDD ou SSD), les collectionneurs et les conservateurs peuvent suivre la méthode actuellement la plus répondue et la plus aboutie : Diagramme Digitalis. C'est une méthode de conservation qui repose sur un diagramme méthodologique de la préservation d’objets numériques complexes mis à disposition en 2014 par Morgane Stricot. Ce qu'explique ce diagramme, c'est la méthode, les précautions et la nécessité de multiplier, d'entretenir et de renouveler régulièrement les appareils et supports de sauvegarde afin de parer à l'éventualité d'une casse ou d'une panne. Ce qui implique de nombreux coûts élevés liés au renouvellement régulier du matériel.
Blockchain : Un Outil pour la Conservation et la Traçabilité
La technologie de la blockchain est une des nombreuses révolutions, considérée comme une des plus essentielles de l'infrastructure de ce que l'on appelle le WEB 3.0. Elle est née en 2009 avec la création du Bitcoin par Satoshi Nakamoto. C'est un modèle d'Internet qui se veut indépendant des géants du WEB 2.0 (GAFAM) et redonne le contrôle aux utilisateurs de ses données en ligne. Il redistribue la propriété des informations de manière décentralisée via la blockchain. En résumé, le WEB 3.0 se veut être centré sur les utilisateurs, décentralisés et sécurisés.
La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle. Elle constitue une base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création, sécurisée et distribuée : elle est partagée par ses différents utilisateurs, sans intermédiaire, ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne. [...] Définition de la CNIL (https://www.cnil.fr/fr/definition/blockchain)
La blockchain peut être une nouvelle façon de conserver et de garantir la traçabilité, la provenance et la préservation des œuvres dans le temps. C'est une technologie qui se repose sur l’achat par crypto monnaie. Lorsque que l’on achète une œuvre sur la blockchain, cette transaction s’inscrit alors dans un bloc de sa chaine, l'équivalent du registre de la blockchain spécifique. Peut importe la blockchain et le protocole utilisé, elles fonctionnent toutes selon ce principe de base d’inscription de données dans une chaine de bloc. Une fois l’action validée, elle ne peut plus être modifiée ce qui garantit l'originalité et la sincérité de l'œuvre. Dans l'art, c'est notamment une réponse au problème que peut rencontrer une grande partie des artistes et collectionneurs surtout dans le champ de la photographie. La blockchain permet de créer un NFT, d'une ou plusieurs éditions, qui est un certificat numérique équivalent au certificat qu'émettent les galeries d'art à la différence que ce certificat numérique est consultable partout à tout moment ce qui permet de contrôler les rééditions frauduleuses et ceux même si l'œuvre est totalement physique grâce à des technologies comme les puces NFC qui font le pont entre l'œuvre et la blockchain.
Cette technologie pourrait permettre de conserver les fichiers numériques sans avoir besoin de les laisser sur les multiples disques durs, tout en les rendant accessibles au plus grand nombre et permettrait donc dans le même temps une démocratisation de l'art et des collection numérique. En-tout-cas, l'hypothèse est attrayante. Dans les faits, une blockchain peut théoriquement disparaître si plus personne ne l'utilise et n'est là pour valider le protocole. Mais, sur les blockchains avec beaucoup d'utilisateurs et d'ampleur aujourd'hui tel qu'etherum ou bitcoin semble peu probable à court et moyen terme tout du moins. Pour parer à ce problème, une blockchain muséale affiliée au réseau etherum pourrait être créé afin de pouvoir contrôler sa sécurité et sa pérennité, mais cela implique la formation de millier ou de dizaines de milliers d'employer rien qu'en France afin qu'ils puissent interagir et ajouter les œuvres acquissent chaque année.
Femmes artistes et blockchain : Une révolution pour l’indépendance
Même si les artistes femmes ont droit à des rétablissements publics depuis quelques années (dans les expositions ou les livre d’histoire de l’art) et qui semble se poursuivre, il arrive qu’elles souffrent encore aujourd’hui de mauvaises attributions, de mise à l’écart, d’oubli, d’effacement, de négation du monde de l’art à cause de biais hérités d’un récit longtemps écrit par et pour les hommes.
L'oublie des femmes est un vrai fléau pour l'histoire de l'art. Les femmes ont toujours fait partie de la scène artistique, de plus ou moins loin, parfois dans des genres ou des médiums moins considérés, mais pas seulement. Pour ne pas réitérer le problème avec les artistes femmes contemporaines, il faut écrire sur leur travail, de faire de la recherche et les présenter en exposition. Il faut qu'elles aient une place, un endroit pour s'inscrire afin de parer à l'oublie.
La blockchain peut être un moyen pour les artistes numériques (mais pas que) de contrer ces erreurs et oublis. Cette technologie permet de tenir à jour tous les mouvements des œuvres et le corpus des artistes. Comme un registre universel et public, elle permet à tout un chacun de vérifier l’identité d’un artiste et la traçabilité et l’authenticité de l’œuvre en toute liberté. La blockchain est hypothétiquement un moyen indélébile de les identifier et de les inscrire dans l'histoire de l'art. L’histoire de l’art numérique peut s’écrire différemment de ce que l'on connaît. Elle peut s’écrire conjointement avec les artistes sur ce registre public qu’est la blockchain. Cette dernière offre un moyen de rassurer à la fois les artistes, les collectionneurs et les institutions sur l’authenticité du travail et participer à la conservation et à l’archivage de ce patrimoine numérique. En leur laissant cette place pour s'inscrire, inscrire leurs œuvres, et donc inscrire leur maternité sur une blockchain, c'est une façon de laisser toutes ces informations pour les générations futures. On peut même imaginer un futur hypothétique où il existerait une blockchain dédiée à la recherche en histoire de l'art ou aux sciences sociales sur laquelle on pourrait y déposer tous les textes que l'on produit sur ces artistes afin de les consigner dans un endroit dédié où il pourra être trouvé tout en affirmant la filiation du texte à l'auteur.
Les femmes artistes prennent leur place dans le numérique et de plus en plus de femme s'affirme comme engrenage à part entière de ce champ immense qu'est l'art numérique. De la photographie à la 3D en passant par l'intelligence artificielle, le moindre médium est pris d'assaut par ces artistes.
Pour conclure, la blockchain peut être un moyen d'envisager la conservation numérique de demain, mais elle peut aussi être vue comme une manière d'écrire une nouvelle histoire de l'art autrement, conjointement entre artiste et professionnels ou passionnés, où les femmes et les minorités sont inscrits au même niveau que les personnes les plus privilégiées dans le monde de l'art. Cette méthode de conservation pourrait à la fois leur donner la possibilité de perdurer sur la blockchain, mais aussi de rendre son art aussi visible que les autres. Je ne sais pas si les méthodes de conservation de l'art numérique resteront figées, mais je ne pense pas. Je pense au contraire que les technologies étant en constante évolution nous donneront de nombreuses voies pour repenser cette discipline.
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