Annelise Stern
Le vernissage est mort - recherche de nouvelles formes d'événementiel
Dernière mise à jour : 5 janv. 2021
Il s'agit d'une réflexion pré-COVID-19 qui ne prend pas en compte les nouvelles contraintes de distanciations physiques. Si cette pandémie impose de nouveaux enjeux dans l'événementiel, les vernissages d'aujourd'hui et de demain ne pourront pas se contenter d'organiser le même type d'événements en y incluant une forme de distanciation sociale. C'est le concept de vernissage dans sa globalité qui doit être repensé.
Comme beaucoup d'entre vous, je reçois chaque semaine des dizaine d'invitations à des vernissages. Ajoutez à cela les invitations à des événements divers et variés, les contraintes professionnelles, amicales et familiales... Il reste très peu de temps pour tous ces vernissages. Résultat, je ne me rends presque plus en vernissage.
Quelques bouteilles de champagne, un joli buffet, le mot vernissage utilisé sur l'invitation et l'envoi d'un mail à tout Paris.... Finalement ces événements se ressemblent tous. L'on y retrouve généralement les mêmes têtes. Seules l'adresse, le nom de la galerie et éventuellement les artistes exposés varient d'un vernissage à l'autre. Le mot vernissage ne fait plus rêver les foules. Si jamais je ne me rends pas à ce vernissage, après tout ce n'est pas grave, pratiquement le même événement aura lieu le lendemain.
Et si on se mettait à faire de l'événementiel, du vrai ? Cette profusion actuelle d'événements nous force à devenir qualitatifs. Je vous partage ici une liste non exhaustive de quelques pistes de réflexions pour repenser le schéma traditionnel du vernissage.
Casser les frontières.
Les frontières entre les différentes formes d'art n'ont jamais été aussi minces, progressivement, elles semblent tendre à disparaître. Soyez inventifs. Allez chercher du côté des autres formes d'art. Je pense ainsi à la galerie François Léage, spécialisée dans le mobilier 18e qui expose temporairement de grands artistes modernes ou contemporains comme Hans Hartung. Le décalage entre ce mobilier 18e et ces toiles contemporaines ouvre le champ des possibles. Au-delà du mélange des époques, un mélange de différentes formes d'art peut également être imaginé. Organisons des concerts, créons des collaborations entre un cinéaste et un plasticien, confrontons un plasticien à un designer... La galerie doit devenir un lieu d'ouverture à la créativité, quelle que soit sa forme.
Sortir du cadre.
Si la plupart des vernissages se déroulent dans les murs des galeries, investir de temps en temps un nouveau lieu pourrait être intéressant. Les lieux insolites ou atypiques n'ont jamais autant eu la cote. Je pense à l'Aérosol, ce musée éphémère qui a rendu hommage durant quelques mois à la musique et à la culture street art. Je pense également à FLUCTUART, ce centre d'art urbain, qui cartonne. Trouver un nouveau lieu peut être très contraignant. Cependant, un changement ou une recherche de scénographie peuvent être tout aussi intéressant. Ainsi, un street artist peut investir temporairement directement les murs de la galerie. Le White Cube, souvent austère, peut être laissé de côté pour un temps. L'expérience de la couleur, du motif, voir même du véritable décor scénographique doit être expérimenté. La galerie doit devenir un théâtre d'expérimentation.
Faire vivre une expérience.
Je pense que c'est la clef du monde de l'art de demain, le véritable moyen de sortir du lot. Il n'y a qu'à voir la foule qui se précipite à chaque nouvelle exposition de l'Atelier des Lumières. Si le côté peut être trop spectaculaire de ce type d'initiatives effraie le monde de l'art, il séduit le public. Sans aller jusqu'à cette vulgarisation, 1001 idées peuvent être imaginées pour faire vivre au visiteur une expérience. Une fresque participative d'une artiste, sur laquelle le public intervient également, une oeuvre réalisée en live, un concert, une performance.... Il y a tant d'idées à imaginer, à mettre en scène. Plonger le visiteur au cœur de la création, voir même le faire participer.... Il n'y a rien de plus fort que d'inclure le public dans la création, c'est certainement l'un des meilleurs moyens de créer du lien avec le collectionneur de demain, d'occuper une place spécifique dans son esprit.
Eco responsable
Le public, notamment la nouvelle génération, réclame une prise de conscience de la part des marques, des entreprises sur les enjeux écologiques. Pourquoi en serait-il différent pour les galeries d'art ? Si notre marché va à l'encontre de ces préoccupations, notamment via les foires qui présentent un bilan carbone déplorable, nous devons impérativement être précurseurs sur cette question. La transition écologique n'est pas forcément facile à opérer immédiatement. Cependant, pas à pas de petites actions peuvent être mises en place. ART GIRLS a ainsi décidé de mettre en place trois petites mesures : la récupération, l'utilisation de matériaux et supports eco friendly et enfin la production en petites quantités.
Jouer sur les sens.
Le public notamment français est habitué à considérer les musées et les galeries comme les temples des interdits. Le bruit y est proscrit, le visiteur ne doit pas s'approcher des œuvres... L'expression "toucher seulement avec les yeux" prend tout son sens dans ces lieux. Dans ce monde où tout est interdit, prendre le contre pied de cette tendance pourrait être très intéressant. Je me souviens de la Tate Britain londonienne qui a cherché à bousculer ces codes avec son Tate Sensorium, une exposition qui jouait sur les sens. Il est urgent de désacraliser le rapport à l'art. Rendons le ludique, changeons la manière traditionnelle de le découvrir, sans pour autant vulgariser ou dénaturer le propos des artistes que nous représentons.
Le mot d'ordre : rien n'est acquis, réinventons nous en permanence.
Ce n'est pas parce qu'un même modèle a fonctionné durant des années, qu'il fonctionnera encore demain. Pensons plus grand, pensons plus spectaculaire, plus impressionnant.